NEOLITHIQUE
Lors de fouilles archéologiques en 1936 dans la plaine de la Praille, des restes d’ossatures de cabanes en bois du Néolithique sont découverts. Une boucle de l’Arve devait certainement s’écouler le long du tracé actuel de la Drize, justifiant ainsi la présence d’hameçons, d’arcs ainsi que d’une pirogue.
MOYEN-AGE
Depuis l’antiquité déjà, les habitations se sont regroupées à l’abri des hauteurs des collines de la Bâtie et du Grand-Lancy. Au Moyen-Age, la plaine humide de la Praille, composée de prés et de saules, est exploitée par les serfs et paysans des seigneuries des alentours. Le nom de la Praille provient d’ailleurs de “pratalia” qui signifie “ensemble de prés” en vieux français. L’assainissement de la plaine de la Praille a notamment permis l’élevage bovin. Les maraîcher.ère.s appelé.e.s les “plantaporrêts” cultivent principalement des fèves, des cardons, des artichauts et des haricots.
La zone de l’actuel Adret Pont-Rouge est labourée à l’ombre du château et des vignes du petit village de Lancy. À l’ouest, dans la maison fortifiée, aussi connue sous le nom de « maison de la Tour », demeurent des seigneurs de Lancy depuis au moins 1311.
À la période médiévale, les lancéen.ne.s sont alors principalement des paysan.ne.s ou maraîcher.ère.s qui cultivent essentiellement des céréales, constituant la base de leur alimentation. Au début du XVe siècle, nous comptons alors 40 feux (c’est-à-dire des foyers) d’environ 4-5 personnes, pour un total d’environ 160 à 200 personnes à Lancy.
REFORME ET ANCIEN REGIME, ENTRE REPUBLIQUE,DUCHE ET ROYAUME
Au milieu du XVIe siècle, la plaine de la Praille se rapproche de Genève. En effet, plusieurs familles patriciennes de la cité, dont les Lullin, en rachètent les terrains (Lescaze et al., 2001, p.48). Toutefois, la situation se complique rapidement lorsque la république calviniste défie la Maison de Savoie en 1589. Pont-Rouge se trouve alors aux premières loges des divers affrontements armés dans les années qui vont suivre.
Par la suite, au XVIIe siècle, le village de Lancy est principalement rural et compte d’importants domaines comme celui de la Tour qui cultive des vignes, des fruits et des légumes. La commune est aussi connue pour héberger sur son territoire des tavernes, qui étaient alors interdites à Genève.
Au XVIIIe siècle, la plaine de la Praille est à nouveau l’objet de convoitises, mais diplomatiques cette fois-ci ! Successeur du duché de Savoie, le royaume de Sardaigne affiche la volonté de clarifier le tracé frontalier avec la république de Genève selon la confession des habitant.e.s. À Petit-Lancy-dessous (Pont-Rouge), on décompte dix maisons catholiques pour une unique protestante, le lieu passe ainsi officiellement, et pour plus d’un demi-siècle encore, sous la tutelle sarde lors du traité de Turin en 1754. Il faudra attendre les traités de 1816 pour rétablir la situation de Lancy.
Toutefois, la présence genevoise ne disparaît pas pour autant : ces terres fertiles à quelques lieues de la cité de Genève nourrissent un intérêt. La plaine de la Praille devient le terrain expérimental des études agronomiques des patriciens genevois. A partir du milieu du siècle, Michel Lullin se consacre déjà à l’étude des rotations des cultures, qui définit postérieurement la Révolution agricole. Le flambeau est repris dans la décennie 1780 par Charles Pictet de Rochemont selon les principes de l’agriculture anglaise. La décennie suivante et avec la forte ambition de développer une industrie lainière locale, il se spécialise dans l’élevage des mérinos, race de mouton importée d’Espagne, qu’il exporte jusque dans l’Empire russe. Ainsi, Charles Pictet de Rochemont va réussir à mettre en place une fabrique de châles à Lancy à base de la laine mérinos qu’il produit.
XIX Siècle
De la Restauration à la Première Guerre mondiale, Petit-Lancy-dessous regroupe quelques bâtiments autour du vestige du manoir de Lancy et de ses vastes dépendances. Les prés où paît le bétail n’ont que peu changés à travers les siècles. Cependant, ce hameau, qui prend progressivement le nom de Pont-Rouge du fait de la couleur de la peinture servant à préserver le bois d’un pont que les autorités ne voulaient pas reconstruire en pierre, se rapproche progressivement de Genève. En effet, l’axe routier entre Genève et Chancy est desservi par un coche puis un omnibus. La région se développe et déjà le recensement de 1834 indique 30 habitant.e.s à Pont-Rouge. Ce hameau représente toujours un lieu de balade agreste privilégié pour les citadin.ne.s à proximité qui peuvent encore à l’occasion y croiser des peintres à l’ouvrage.
En parallèle, le futur quartier des Acacias amorce une lente mais certaine urbanisation et industrialisation à la fin du siècle. Ce quartier se développe considérablement et le sentier des Acacias est transformée en route en 1878, le tram y fait son apparition dès 1889, ce qui rend les échanges avec la ville plus faciles. L’augmentation des déplacements pousse la commune de Lancy à rénover son infrastructure de transport. Ainsi en 1839, et sur l’injonction du Département des travaux publics, Lancy reconstruit le pont en bois « en bas de Lancy » avec deux trottoirs et une voie de circulation. L’apparition de nouveaux modes de transports inquiète et la commune limite la vitesse des vélos et des automobiles à la vitesse du pas dans le village de Lancy et sur la rampe de Pont-Rouge dont le fort dénivelé a toujours été décrié.
XXème siècle
Les prémices de l’urbanisation de Pont-Rouge débutent lors de la définition par Genève en 1925-26 de nouvelles zones industrielles en périphérie de la ville. Cette stratégie urbaine permet ainsi de convertir des terrains du centre-ville en zone d’habitations.
La région Pont-Rouge – La Praille est également un lieu de rassemblement de fêtes populaires de l’entre-deux-guerres. Nous pouvons, par exemple, retrouver la trace de la fête de jeunesse et des familles organisée un dimanche ensoleillé de 1927 par la fédération sportive des sociétés chrétiennes.
La commune de Lancy entreprend dans les années 1930 un goudronnage systématique de ses routes, ainsi que le seul investissement d’importance dans son réseau routier de l’entre-deux-guerres, le remplacement en 1938 du Pont-Rouge par un durable ouvrage en béton armé.
En 1941 plus précisément, Lancy devient alors une commune urbaine, atteignant alors plus de 5’000 habitant.e.s. Malgré ce développement, la zone de Pont-Rouge reste qualifiée de campagne jusqu’aux années 1940, dans les différents journaux de la région.
La construction de la gare de la Praille débute en 1940. Pont-Rouge vit à l’heure des travaux des CFF. Après les travaux de canalisation de la Drize et de l’Aire, la zone continue à servir de chantier pour les chômeurs avec en 1942, le commencement de la route des Jeunes qui occupera un total de 8’000 personnes. Comme seul salaire, le travailleur du jour reçoit un repas à midi et à 19h30. En 1948, le tunnel ferroviaire de la Bâtie étant terminé, ingénieurs et ouvriers arrivent à Pont-Rouge. Il faut détruire le pont existant pour le remplacer par un pont en béton armé qui enjambe la route et l’Aire.
En 1952, l’Etat de Genève acquièrent des terrains bordant Pont-Rouge afin d’y fonder les Ports Francs actuels desservis par la gare de la Praille. En marge de ces grands chantiers, d’importants îlots de verdures persistent le long de la rampe de Pont-Rouge. Des vergers, des jardins et des potagers y subsistent. Dès les années 1960, la rampe de Pont-Rouge accueille des baraquements occupés par de nombreux.ses saisonnier.ère.s.
La plaine de la Praille fait désormais partie de la PAV, secteur Praille-Acacias-Vernets. Les premières entreprises productrices viennent s’installer en 1963.
La commune de Lancy, connait une explosion démographique, en particulier lorsque la population triple lors de la décennie 1970 pour atteindre les 20’000 habitants. Suite à la promulgation de la première loi HLM en 1955 répondant alors à la crise du logement, divers grands ensembles de barres d’immeubles sont construits rapidement, peut-être trop rapidement d’ailleurs.
En 1975, la population se stabilise enfin à Genève ce qui laisse place à une remise en question du développement urbain rapide et précipité. Une conscience environnementale jaillit de ces années d’urbanisme et la décision de ne plus toucher aux zones agricoles est prise. Il s’agit dorénavant de « construire la ville en ville » et de conserver les restes du passé.
La décennie des années 1980 est encore marquée par un déséquilibre entre la population habitante de Lancy et les postes de travail disponibles sur la commune marquant un manque d’infrastructures de transports pour les grands ensembles qui prennent place à Lancy Sud.
La décennie suivante est celle de la correction des erreurs passées, notamment sur le plan des transports. En 1993 l’autoroute de contournement est inaugurée et en 1997 la Praille y est directement connectée. La même année, la Fondation des parkings planifie la construction du parking d’échange P+R Etoile, comptant 630 places. Avec l’extension des lignes de tram jusqu’à Palette et Pont-Rouge, un développement certain attise les appétits des milieux économiques genevois. On imagine aussi à la Praille un stade de 25’000 places, 4 terrains de football, des surfaces commerciales et artisanales et un centre multiprofessionnel avec par-dessus tout cela, l’espoir que la future ligne de TGV Paris-Genève puisse s’y arrêter.
Cette même année est également placée sous le signe des arts et de la culture pour Pont-Rouge. L’Association de créateurs de Pont-Rouge est fondée par Jeanne Schmidt. Cette association communautaire loue les vastes locaux d’une ancienne cave à vin afin de créer des œuvres d’art, mais aussi d’y accueillir du public et des représentations théâtrales.
Pont-Rouge est aussi un lieu de festivités, un article de la Tribune de Genève (18.05.2000) se réjouit d’ailleurs du festival “Mai au parc”. Ce dernier se présente comme un festival familial qui se déroule dans le parc Bernasconi mais aussi au bord de l’Aire et à Pont-Rouge. Ces festivités se répètent régulièrement par la suite.
Tiré de David Obrist et Nadège Pfister (en voie de publication), Adret Pont-Rouge. De la périphérie rurale au pôle industriel et urbain, Genève, IRS. Pour approfondir l’histoire, voir aussi : Frommel, Bénédict et Arikok, Enis (2006). Secteur Praille-Acacias-Vernets. Etude historique et patrimoniale. Genève : Département des constructions et des technologies de l’information. Direction du patrimoine et des sites. Service des monuments et des sites. Et : Lescaze, Bernard (dir.) (2001). Histoire de Lancy. Genève : Édition Ville de Lancy.